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Prince et princesse
Défi 30 jours pour écrire, sujet : Endormi(e)/ le cœur qui s’emballe
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Le moment tant attendu est arrivé. Celui où le prince peut réveiller sa princesse d’un tendre baiser. Nerveux, son cœur s’emballe tandis qu’il se penche vers sa dulcinée endormie. Après toutes les épreuves qu’il a traversées, celle-ci semble pourtant bien légère… Il a franchi les ronces, triomphé des menteurs, affronté et chassé le dragon, le plus dur est fait ! Même grimper les escaliers de cette fichue tour est plus compliqué. Et il ne va quand même pas prendre la princesse encore endormie dans ses bras, descendre comme ça l’escalier et traverser ce qu’il reste de ronces. Non, c’est évidemment plus simple si elle est éveillée. Elle va découvrir l’homme qui l’a sauvée, elle sera reconnaissante et elle tombera amoureuse. Et tout finira bien.
Mais le cœur du prince n’en finit pas de marteler ses doutes et ses craintes. Sauver la princesse, oui, c’est évidemment la chose à faire. Il n’y a aucune raison de la laisser dormir encore des siècles prisonnière de sa tour. Mais après ? Il ne la connait pas, cette fille ! Et si elle ne lui plait pas, au final ? Est-ce que c’est raisonnable de décider de passer sa vie avec juste parce qu’il l’a sauvée ? Et si lui, il ne lui plait pas ? Ce n’est pas comme si elle avait l’embarras du choix. Pire, de son point de vue à elle, le temps ne s’est pas écoulé du tout. Elle va se réveiller comme un matin ordinaire pour découvrir qu’elle est cent ans dans le futur, que tous les gens qu’elle a connus sont morts, que sa maison est en ruines et que son royaume n’est plus qu’un territoire à l’abandon dont les royaumes voisins se disputent la garde. Il y a des chances que son premier réflexe ne soit pas de sauter au cou de son sauveur. Il lui faudra déjà un peu de temps pour réaliser qu’elle avait besoin d’être sauvée.
Peut-être qu’elle avait quelqu’un, à l’époque, un fiancé ou un amoureux secret, quelqu’un à qui elle pensait tendrement le soir en brodant des fleurs, ou toute autre activité de princesse. Peut-être qu’elle s’intéressait à la gouvernance de son royaume, qu’elle posait mille questions à ses parents, qu’elle étudiait dur pour le jour où elle serait reine à son tour. Peut-être qu’elle aimait sortir avec ses amis, faire de longues promenades à cheval, chasser, pêcher, revenir le soir les cheveux dépeignés et les joues roses d’avoir couru.
Pour l’instant, elle est encore endormie, et si belle sous le sortilège qui la fige. Vêtue d’une robe blanche délicatement ornée de dentelles, les yeux légèrement maquillés, les cheveux de miel soigneusement peignés, elle est aussi parfaite qu’une poupée. Le prince ne sait rien d’elle, si ce n’est qu’on lui a promis sa main s’il venait la sauver. Est-ce qu’il le souhaite, au fond ? Il a aimé partir à l’aventure et vaincre mille périls. Il a déjà sauvé son compte de vieilles et d’orphelins en musardant sur les routes à redresser des torts. Il n’est pas si pressé de faire comme son père, sauver une princesse et rester avec elle à s’occuper d’un royaume jusqu’à la fin de ses jours.
Mais s’il ne la réveille pas, qui le fera ? La magie a ses règles et les baisers n’y dérogent pas. Enfin décidé, il se penche vers sa princesse. Advienne que pourra, il l’embrasse et met fin à sa malédiction.
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La princesse ouvre les yeux et se redresse péniblement, encore à moitié endormie. Elle n’a jamais dormi comme ça, aussi lourdement, d’un sommeil sans rêves. D’ailleurs, elle ne se rappelle même pas de s’être mise au lit, la dernière dont elle se souvienne, c’est ce ricanement pendant qu’elle tombait… Pourquoi ? Qui était là ?
Confuse, démêlant encore ses souvenirs brumeux, elle se redresse et écarquille les yeux à la vue des murs nus de sa chambre et de la couche de poussière. Mais qu’est-ce qui s’est passé ?
À ses côté, un jeune homme, beau et bien vêtu même si ses vêtements ont été fortement abimés, qui lui sourit nerveusement.
« Vous n’êtes pas obligée vous savez, lui dit-il.
— Obligée de quoi ?
— De m’épouser. »
C’est une précision étrange à faire pour se présenter à quelqu’un, et la princesse aurait pu lui répondre qu’effectivement, en règle générale elle n’était pas obligée d’épouser tous ceux qu’elle croise. Mais la situation est bien trop inquiétante pour perdre du temps en étant sarcastique, et elle se contente de hocher la tête tandis qu’il lui explique ce qui est arrivé pendant son sommeil et de la guider au-dehors.
Elle accuse le choc, c’est certain. Et s’agrippe à la main du prince. Il lui faudra du temps pour trouver sa place dans ce monde qui a continué à avancer sans elle. Mais elle sait qu’elle peut au moins faire confiance à une personne.
Au final, ils vécurent heureux, et ne se marièrent jamais ensemble.
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Le silence
Défi d’écriture 30 jours pour écrire, 4 août
Thème : Puzzle/sous la canopée
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Une nouvelle pièce est tirée de la boîte du puzzle. Louis l’examine soigneusement avant de la rapprocher de l’image. Ce puzzle est difficile. Rien ne ressemble plus à une feuille d’arbre qu’une autre feuille d’arbre, et là, sous la canopée, ce ne sont pas les feuilles qui manquent.
Les animaux sont déjà faits. Singe, jaguar, anaconda, tout ça c’est assez facile à repérer et à assembler. Les fleurs, aussi, sont presque toutes déjà placées, ou au moins installée environ à la bonne distance des bords. Les bords sont bien sûr déjà finis, c’est la première chose à faire et Louis s’y applique consciencieusement, à chaque fois qu’il ouvre une nouvelle boite.
Il aime les puzzles. Il a toujours aimé ça. Ça empêche de penser.
Louis est installé sous la table – privilège des enfants, en tout cas ceux qui sont encore dans le groupe des petits. Il aimerait bien que la nappe des jours de fête soit installée. Ça ferait comme une cabane de tissu. Il aime bien les cabanes. Il se sent protégé dedans. A l’abri.
Au-dehors, la pluie tambourine contre la vitre, furieuse.
Au-dedans, les éclats de voix toutes aussi furieuses, mais différentes. Feutrées. Les voix de parents qui ne veulent pas que les enfants entendent les disputes.
Là-haut, Lisa est dans sa chambre, écouteurs sur les oreilles, la musique à fond. Elle a passé l’âge de jouer sous la table. De toute façon, Louis ne comptait pas vraiment sur elle. Quand les cris démarrent, c’est chacun pour soi. Chacun sa cachette. Son évasion. Sa technique pour ramener le silence.
Louis se concentre sur ses feuilles. Son puzzle est bien plus dur que ceux recommandés à son âge, mais il s’applique. Et Papa et Maman sont si fiers de lui, après. Ils s’en vantent auprès des autres adultes, la félicitation suprême. Louis qui est si intelligent. Louis qui est si sage. Ah, on a bien du souci avec Lisa, c’est l’âge, c’est la crise d’adolescence, mais Louis est un enfant modèle. Un amour. Un ange.
Louis s’applique. Plus c’est dur, mieux c’est. Il y est presque, dans la jungle. La canopée s’épaissit, feuille après feuille, liane après liane. Les fleurs qui voguaient encore sans amarres trouvent leur place peu à peu dans cette luxuriance verte. C’est plutôt joli.
Un claquement sec dans la cuisine. Le bruit d’une gifle. Louis sursaute comme si c’était un coup de tonnerre. Il regarde un peu, sans les voir, les pièces qui restent devant lui. Elles deviennent floues. Les larmes qui montent. Une porte qui claque. Le moteur de la voiture qui s’éloigne. Des sanglots dans la cuisine.
Il se concentre.
On ne montre pas aux adultes qu’on sait. Ça leur fait de la peine. Il n’y a rien dans la cuisine. Il ne s’est rien passé. Louis essuie ses yeux. Il finit son puzzle. Les feuilles. Les arbres. La canopée. En la regardant assez fort, elle pourrait l’engloutir – offrir un abri plus puissant encore que la table avec sa nappe des jours de fête, un refuge où personne ne pourrait venir le chercher. Il vivrait au milieu des fleurs, des singes et des jaguars.
La pluie tambourine à la fenêtre, de moins en moins fort. Le silence retombe sur la maison.
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Voyage
Défi d’écriture 30 jours pour écrire, 5 août
Thème : Vibration/souvenirs d’autres vies
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Le tintement du bois sur le bol tibétain. Juste une note qui résonne jusqu’à l’intérieur d’elle-même. Une vibration.
Elle se concentre. Sur l’instant. Sur son corps.
La note. Vibration.
Elle n’existe plus qu’en une minuscule version d’elle-même, de plus en plus concentrée. Elle devient son souffle à l’intérieur de son corps. Une toute petite molécule d’air à l’intérieur de ce souffle.
Vibration.
Encore plus petit. A l’intérieur de l’intérieur. Jusqu’à
Vib
ce qu’elle se traverse elle-même, son âme qui se retourne comme un gant, et qui se redéploie de l’autre coté
Tout ce qu’il y a à voir tout ce qu’il y a à découvrir de l’autre coté des autres vies tant d’expériences tant de sensations tant de souvenirs tous ces univers qui sont là qui sont ailleurs qui sont autres comment tout voir tout comprendre tout engranger plus vite plus viteplus vite encore
et c’est trop, déjà la fatigue arrive, toute cette énergie venait d’un autre corps trop lointain, il faut revenir, l’âme qui se recentre et retraverse, revient à la maison
ration
toujours minuscule de retour dans son propre corps, sa propre vie, et peu à peu
Vibration.
la concentration s’affaiblie, laissant la pensée se dilater, s’épanouir, dans tous le souffle, tous les poumons.
La note. Vibration.
Elle revient à elle peu à peu et reprend possession de son corps. Son esprit. Son être uni à nouveau avec elle-même.
A nouveau, le bois tinte sur le bol, laissant flotter dans les airs une nouvelle note, une ultime vibration.
Elle ouvre les yeux.
« C’était rapide. Tu as pu trouver ce que tu voulais ?
Elle s’étire, savourant ce simple geste. Dans sa tête, les souvenirs du voyage menacent de s’effacer, aussi fugaces que des rêves. Si près et si loin à la fois.
— C’était… instructif. »
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